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RDC:Plaidoirie pour la suppression du ministère du Portefeuille

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RDC: Plaidoirie pour la suppression du ministère du Portefeuille

Après les récentes injonctions politiques du ministère du Portefeuille dans la gestion de la SNEL en contradiction avec les principes de gestion de l’OHADA, les Congolais demandent la suppression de ce ministère suranné chargé de la surveillance des entreprises publiques sous la Deuxième république. Le futur gouvernement Suminwa II très attendu par les Congolais est appelé à remplacer le ministère du Portefeuille par une Agence des Participations de l’Etat (APE), afin de mettre en place une gestion modernisée des participations de l’Etat dans les sociétés commerciales, conformément à la tendance mondiale.

Des injonctions politiques surannées

Après les récentes injonctions politiques adressées par le ministre du Portefeuille Jean-Lucien Bussa au Président du Conseil d’Administration de la SNEL Luc Badibanga les Congolais réclament la suppression du ministère du Portefeuille, dont les attributions définies sous la Deuxième république sont aujourd’hui inadaptées aux évolutions apportées par l’adhésion de la RDC à l’OHADA.

La demande d’explication adressée par Jean-Lucien Bussa à Luc Badibanga le 17 mars 2025 et diffusée sur les réseaux sociaux avant que le Président du Conseil d’Administration de la SNEL n’en ait pris connaissance, à propos de la désignation d’un nouveau comité de direction suivant les prérogatives statutaires du Conseil d’Administration, a défrayé la chronique et interpellé les Congolais. Par un courrier du 20 mars 2025 diffusé sur les réseaux sociaux, le ministre du Portefeuille remettait en question les nominations effectuées par le Conseil d’Administration du 14 mars 2025, interdisant au Directeur Général de la SNEL de les notifier aux intéressés et de les exécuter. Cette injonction violait manifestement l’article 15 du Titre III des statuts de la SNEL indiquant que le Conseil d’administration a notamment pour mission de « décider de la nomination, de l’affectation, de la promotion et, le cas échéant, du licenciement des cadres de commandement de direction de la Société ».

La mission d’encadrement politique du ministère du Portefeuille définie à l’époque du Maréchal Mobutu est aujourd’hui incompatible avec la transformation des entreprises publiques en sociétés commerciales conformément à l’adhésion officielle de la RD Congo à l’OHADA le 12 septembre 2012. L’objectif de ce traité Objectif était la modernisation du droit des affaires et l’alignement de la gestion des entreprises publiques sur les normes commerciales régionales, entrainant leur transformation en sociétés commerciales, avec la suppression de la tutelle de l’Etat. La commercialisation des entreprises publiques visait à les rendre plus attractives pour les investisseurs.

Cette transformation s’est effectuée en plusieurs étapes, dont la première fut la loi n°08/016 du 07 octobre 2008 portant régime général des entreprises publiques en RDC qui a posé les bases de leur transformation en sociétés commerciales. Le Code OHADA des Sociétés Commerciales a ensuite remplacé l’ancien droit congolais des sociétés, et les premières entreprises concernées par la transformation en sociétés commerciales furent la Gécamines,
SNCC, la REGIDESO et la SNEL, en vue de favoriser leur ouverture à des partenariats publics-privés. Les réformes entrainées par l’adhésion de la RD Congo à l’OHADA se sont accélérées entre les années 2010 et 2016 et en 2018 la RD Congo a officiellement transposé les Actes Uniformes de l’OHADA en droit national. Malgré cette réforme certaines entreprises sont restées sous contrôle étatique, notamment Congo Airways, ce qui justifie les difficultés rencontrée par cette dernière pour investir dans le renouvellement de sa flotte. En raison d’une longue période de pratiques caporalistes caractérisées par des injonctions du ministère du Portefeuille, des retards persistent suite aux résistances bureaucratiques dans la mise en œuvre des dispositions de l’OHADA.

Vers la création de l’APE

L’exigence du remplacement du ministère du Portefeuille par une Agence des Participations de l’État (APE) s’impose en RD Congo pour ses nombreux avantages, le ministère du Portefeuille ne disposant pas de compétences en gestion financière et stratégique des sociétés commerciales. La professionnalisation de la gestion des participations étatiques par l’APE permettrait à la RD Congo de rejoindre les standards internationaux. L’APE fonctionnera comme un actionnaire professionnel qui applique des normes de gouvernance d’entreprise modernes, sans pratiquer les interférences politique habituelles du ministère du Portefeuille.

L’APE permettra une gestion technique sans bureaucratie, ce qui favorisera la performance des sociétés commerciales dans lesquelles l’Etat est actionnaire. Cette nouvelle approche déjà adoptée par de nombreux pays d’Afrique, dont le Sénégal et le Maroc, permettra une distinction claire entre l’État actionnaire et l’État régulateur. L’APE permettra d’éviter les pratiques actuelles du ministère du Portefeuille qui impose des logiques administratives et politiques aux sociétés commerciales sous prétexte que l’Etat en est actionnaire. La distinction entre la gestion des participations comme le ferait un investisseur privé et la régulation économique de l’Etat doit être définitivement adoptée.

L’APE permettra une plus grande transparence dans la gestion et la réduction des pratiques de corruptions liées à la conception caporaliste du ministère du Portefeuille. Cette transparence limitera les détournements et les nominations politiques dans les sociétés commerciales, avec des codes de gouvernance de société conformes aux standards internationaux. Le principal rôle de l’APE sera l’optimisation de la valeur des actifs de l’État comme le ferait un fond souverain, avec des objectifs de rentabilité bien définis. Le passage à la commercialisation des entreprises publiques impose la transformation de leur gestion suivant les règles du marché. Le ministère du Portefeuille n’est pas en mesure d’assurer cette exigence, qui nécessite la prise de décisions rapides pour les investissements et désinvestissements à réaliser. L’APE permettra ainsi aux sociétés commerciales dans lesquelles l’Etat est actionnaire d’être plus attractives pour les investisseurs privés et de favoriser les partenariats-publics privés hors de toute interférence politique.

Une loi clarifiant les missions de l’APE, son indépendance et ses mécanismes de contrôle pourrait être adoptée, la structure pouvant également être créée par ordonnance présidentielle. La création de l’APE constituerait une grande avancée dans la gestion des participations de l’Etat, à la condition que cette agence soit autonome, transparente et gérée par des experts sans ingérences politiques. L’exemple du fonds souverain de Singapour Temasek, créé en 1974 pour gérer les participations de l’État de manière professionnelle, demeure le modèle à suivre pour le remplacement du ministère du Portefeuille.

Le Temasek gère plus de 300 milliards USD d’actifs de l’Etat comme un investisseur commercial, agissant comme actionnaire actif respectant les standards internationaux de gestion. Cette agence de gestion des participations de Singapour investit dans plusieurs secteurs économiques nationaux et internationaux, notamment les banques, les assurances, les transports, les télécommunications ou l’énergie, dans une logique de rendement à long terme. Il joue également le rôle de stimulateur de l’innovation dans les nouvelles technologies. Comparativement au ministère du Portefeuille en RD Congo caractérisé par des injonctions politiques, de la bureaucratie et des nominations partisanes, le Temasek est animé par des professionnels de la gestion commerciale et des marchés financiers, sans fonctionnaires politiques, avec des objectifs de rentabilité et de croissance sans aucune ingérence politique de l’Etat. La RD Congo réaliserait une grande avancée en suivant cet exemple.

Léon ENGULU III
Philosophe, ingénieur agronome

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